Civelle

Une manne exploitée depuis des lustres sur la façade atlantique

La civelle encore appelée pibale dans le Sud-Ouest de la France ou de manière imagée « anguille de verre » (glass-eel en anglais ou glas-aal en allemand) constitue une ressource qui fait partie de la culture gastronomique de nombreuses régions de France et d’Espagne. Pour autant que l’on se souvienne, elle a toujours été recherchée par les habitants de ces régions surtout pour les fêtes de fin d’année où elle constituait et constitue toujours un met recherché. Sa pêche a été interdite, en France, en 2010 pour les amateurs, mais elle continue à soutenir l’économie des petites pêches professionnelles estuariennes et continentales existant sur de nombreux bassins versants se jetant dans le golfe de Gascogne: Adour et courants côtiers, Gironde-Garonne-Dordogne, fleuves côtiers charentais et vendéens, Loire et fleuves côtiers de sud et pointe Bretagne.

Bien que la production française ait considérablement diminué: de plus de 1500 tonnes dans les années 70 à moins de 50 tonnes actuellement, la production civelière française constitue toujours l’approvisionnement principal des pays européens qui font de l’élevage d’anguille ou du repeuplement. Sans cette production dont la qualité est reconnue la filière anguille en Europe disparaitrait. 

Evolution des captures de civelle en France depuis le milieu des années soixante-dix et évolution de la valeur de la pêcherie

La figure ci-dessus montre la très forte chute des captures liée à la diminution des apports de civelles sur les côtes atlantiques françaises, mais aussi à la mise en place de  contraintes très fortes sur la pêcherie dans le cadre du PGA français (Plan de Gestion Anguille) : diminution du nombre de licences, définition de quotas de consommation et de repeuplement (la France est le seul pays de l’UE à le faire). Les captures nationales sont depuis 2008 de 41 tonnes en moyenne dont une partie est destinée au repeuplement en Europe. 

Des prix au kg en forte baisse depuis l'interdiction d'export hors UE

L’export vers l’Asie qui permettait à la pêcherie civelière française de maintenir sa haute valeur économique (voir graphique précédent) n’est plus possible suite à la décision de la France de ne plus permettre cette exportation alors que le quota de consommation avait été défini pour cela. Cette interdiction qui n’est pas liée à une réglementation de la CITES (le classement en annexe II n’interdit pas l’export en-dehors de l’aire de répartition) est tout à fait incompréhensible au plan biologique (export hors UE demandé uniquement sur le quota de consommation dont la finalité est d’approvisionner la consommation directe et l’élevage) et a eu pour conséquence une explosion du trafic illicite vers la Chine à des prix au moins 5 fois supérieurs au prix pratiqué par le commerce légal en Europe. La civelle américaine (Anguilla rostrata) qui n’a pas été inscrite à la CITES se vend couramment et légalement sur le marché asiatique près de 3500 euros le kg, ce qui permet de soutenir économiquement cette pêcherie tout en contraignant fortement le nombre de licences et le volume de captures. 

Le marché du repeuplement qui devait compenser économiquement cette interdiction pour la filière civelière française a été depuis la mise en place du règlement 1100/2007  fort peu dynamique et les prix pratiqués ont toujours été bien inférieurs à ceux consentis pour la consommation ainsi que l’indique ce graphique ci-dessous (d’après données France Agrimer)

Comparaison des prix des civelles vendues pour la consommation et le repeuplement.

Des modes de captures variés et adaptés au comportement des individus.

Dans la partie basse des estuaires, les civelles ont des comportements de migration portée. Leur présence en surface va être fonction des conditions de luminosité dans la colonne d’eau. Plus l’eau est claire, plus la luminosité nocturne ou diurne va pénétrer en profondeur empêchant les civelles de venir en surface. Ainsi, les tamis opérant en surface ont peu de chance de capturer les alevins sauf si l’estuaire a des eaux turbides comme la Loire ou de la Gironde par exemple. Sur ces deux estuaires la clarté de la colonne d’eau joue un rôle secondaire et les civelles sont bien souvent disponibles en surface, ce qui n’est pas le cas d’estuaires dit clairs comme celui de l’Adour où les meilleures conditions de luminosité pour la pêche de la civelle sont celles qui caractérisent la lune noire. 

Ainsi en fonction de son positionnement sur l’estuaire ou sur le cours du fleuve ou de la rivière, en fonction de la réglementation maritime ou fluviale on va utiliser différents engins.

Des tamis tenus à la main et pouvant explorer les moindres recoins des berges là où peuvent se concentrer, suivant certaines conditions hydro climatiques,  des groupes de civelles.  Des tamis ancrés qui sont utilisés dans l’Adour et qui ont les mêmes caractéristiques que les tamis à main, mais sont positionnés près du fond de la rivière quand l’eau est claire et que la marée pousse les civelles au plus près du fond. Le tamis poussé muni d’un manche ou non suivant les estuaires. Sur l’Adour par exemple, compte-tenu de la puissance des bateaux, il reste difficile de pousser le tamis en profondeur. Les tamis sont alors gréés pour filtrer un volume proche de la surface et sont peu efficaces lorsque l’eau est claire.

Les pibalours utilisés en mouvement ou bien en poste fixe qui ont des surfaces plus importantes, mais opèrent généralement dans des portions de fleuves plus larges.  

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