La mascarade sur les quotas continue et à la fin c’est toujours les pêcheurs qui trinquent !

Une discussion de marchands de tapis qui se termine en oukase administratif !

Après avoir proposé 26 tonnes au vu d’un rapport d’expertise qui n’a convaincu personne et  sans prendre en compte les données quantitatives de la pêcherie française, l’administration de tutelle avait  proposé 42 tonnes assorti d’un soi-disant « plan de casse ». Puis devant la colère des représentants de la pêche, une réunion avait été organisée avec la ministre  pour revoir ce quota. Il en était sorti un quota de 55 tonnes sans autres contreparties: rien sur la clé de répartition consommation / repeuplement et rien sur un sous-quota d’export hors UE pour éviter la main mise du secteur de l’élevage sur la pêche.

Il est maintenant proposé de manière unilatérale avec réponse avant le 13 octobre: 55 tonnes pour la campagne 2025 – 2026 et 43 tonnes pour la campagne suivante 2026 – 2027. Un vrai massacre économique et social en totale contradiction avec la décision du Parlement Européen exprimée dans le rapport Van-Ruyssen de novembre 2023: « la pêche a atteint les objectifs de réduction de son impact sur cette ressource, mais pas les autres usages« . Rapport dont la Commission Européenne se moque puisqu’un mois après sa sortie, elle a encore accentué sa pression en restreignant fortement les périodes de pêche, puis proposé de demander l’inscription de l’anguille européenne à l’annexe I de la CITES (interdiction de pêche). Un parfait exemple de technocratie  dont les conséquences économiques coutent cher à la filière anguille en France et dont l’impact social sera important sur les jeunes pêcheurs qui ont investi dans un métier de petite pêche qu’ils croyaient d’avenir. 

Pourquoi une telle incompréhension devant cet acharnement sur la pêche professionnelle.

La pêche civelière n’est pas la source de tous les maux de cette ressource. 

Nous avons déjà demandé au sein de l’AFPMAR que soit établie la vérité des faits. Certes, il est difficile de gérer cette ressource si dispersée dans de nombreux écosystèmes à l’échelle de l’Europe, mais il y a une chose qu’il est possible de faire c’est de mesurer l’impact de la pêche civelière par rapport à celui des autres usages comme ceux de la pêche des autres stades (anguilles jaunes et argentées) et surtout de la production hydro-électrique qualifiée de soi-disant énergie propre. 

Rappelons brièvement ces éléments que nous détaillons dans le « Livre Blanc sur l’Anguille Européenne ». Eléments qui sont construits à partir des données et modèles compilés par les experts du CIEM et basés sur les données issues des pêcheries françaises (non utilisées par les experts français au CIEM pour des raisons que nous ignorons).

Le taux d’exploitation de la civelle en France est certainement inférieur à 10%. Il est à comparer avec celui de la mortalité naturelle estimée à 90% pour ce stade par les experts travaillant sur cette espèce. Dans ces conditions, l’impact de la pêche civelière, pour 25 tonnes de civelles destinées à la consommation, correspond à une perte en anguilles sub-adultes équivalente  à 3% des captures d’anguilles jaunes et argentées réalisées en 2023 dans l’aire de répartition européenne (non comptées les prises importantes d’anguilles faites sur cette espèce en-dehors de l’Europe). Il est surtout bien inférieur aux mortalités subies par les anguilles argentées passant dans les turbines des centrales hydro-électriques en Europe (voir les rapports nationaux fournis au CIEM), énergie que l’on ne cesse de nous vanter et dont les producteurs ont fait très peu pour atténuer l’impact sur la ressource.  Alors il est évident, et nos parlementaires européens l’ont fort bien compris, que l’arrêt de la pêche professionnelle sur cette espèce (et principalement sur le stade civelle) ne résoudra en rien le problème de restauration de la ressource, pire elle précipitera la dégradation de nos écosystèmes aquatiques en retirant de ces milieux les seuls usagers vraiment impliqués journalièrement dans la surveillance de la santé de nos écosystèmes.  Mais c’est peut-être le but recherché quand on veut mettre la poussière sous le tapis! 

Un gâchis social et économique sans précédent et pour aucun effet sur la ressource.

Depuis la mise en œuvre du règlement européen UE 1100/2007 et l’inscription de l’anguille européenne à l’annexe II de la CITES (rappelons ici que les deux autres espèces utilisées principalement en aquaculture : l’anguille américaine et l’anguille japonaise dont les stocks ont diminué autant que celui de l’anguille européenne ne sont pas inscrites à la CITES), la filière civelière française est passée en moyenne de 57 millions d’€2024 sur la période 1996 – 2007 à 14 millions d’€2024 après 2009 soit une perte de 75% de sa valeur. En cause, des restrictions sur les captures et des contraintes très fortes sur les périodes de pêche malgré l’imposition de quotas, mais surtout deux blocages technocratiques imposés arbitrairement par la Commission Européenne et acceptés par notre administration de tutelle : non modification de la clé de répartition consommation/quota prévue à l’article 7 du règlement 1100/2007 en cas de baisse très forte du prix de la civelle de repeuplement par rapport à celui de la consommation (ce qui est le cas voir actualités précédentes) ; non autorisation par la Commission Européenne d’exporter la civelle hors UE sur le quota de consommation de  civelles (prévu à l’origine par la France pour cela). Résultat: manque à gagner très important pour la filière civelière française et surtout prix dérisoire obtenu pour la civelle de repeuplement sous le contrôle du secteur de l’élevage. 

Au total par un blocage technocratique qui ne repose sur rien et surtout qui n’améliore en rien l’état de la ressource anguille une perte que l’on peut estimée pour le secteur civelier à environ 300 à 400 millions d’€2024 depuis 2009.

Et maintenant!

Si l’administration continue à s’acharner contre la pêche en imposant des quotas qui ne reposent sur rien et qu’elle n’utilise d’ailleurs que pour cautionner une politique de gestion incompréhensible, l’avenir de ce secteur, déjà impacté par l’irresponsabilité de nombreux usages qui n’ont en rien respecté le règlement 1100/2007, sera scellé. Les premiers à payer seront les jeunes, l’avenir du métier, que cela soit dans les eaux continentales ou marines. Encore une fois le monde rural et maritime sera impacté par des décisions prises en contradiction avec le principe de prévention qui fait partie de la Charte de l’Environnement inscrite dans la Constitution Française. 

Si la gestion par quota qui avait été définie par l’administration française, dès le départ, pour faciliter l’export d’une partie du quota de consommation hors UE pose problème et bien que l’administration soit cohérente jusqu’au bout avec le rapport établi par les experts français , qu’elle supprime le quota puisqu’il ne sert plus à rien !

Un quota non utile et à supprimer !

Ceci est dit explicitement dans le rapport du comité scientifique en charge d’établir le quota français. 

Nous citons « A contrario, dès que la réduction effective (du nombre de pêcheurs)  est supérieure à 56 %, elle suffit seule à atteindre l’objectif de gestion, rendant inutile une gestion par quotas » (page 13 rapport II.4.1. du rapport du CS 2025). Or cette diminution est égale ou supérieure à 56% depuis 2019!

L’administration en continuant à imposer un quota sans demander une modification de la clé de répartition et un sous-quota d’export hors-UE sur le quota de consommation, instruit à charge contre la pêche et à l’encontre de l’avis des parlementaires européens (cf. Rapport Van-Ruyssen de 2023) et sans que cela apporte, comme nous l’avons montré en calculant l’impact de la pêche civelière sur la ressource, un effet positif quelconque sur l’état de la ressource.  

Une demande justifiée

Il est inadmissible d’imposer une mesure de gestion par décret et qui engage l’avenir du secteur de la pêche civelière en France, support indispensable au devenir des entreprises du secteur de la petite pêche sur la façade atlantique , sur deux années avec une diminution de 40% du quota sans preuves avérées et justifiées! 

Nous demandons à ce que de manière transitoire, le quota de 55 tonnes soit maintenu avec un plan de sortie de flotte qui permette une sortie économique et sociale crédible pour ceux qui le souhaitent. 

Que soit entamée, une discussion sur la nécessité d’un quota sachant qu’il n’est pas justifié pour deux raisons:

– le rapport du CS le qualifie de non utile (QNU) si la diminution du nombre de pêcheurs est supérieure à 56% ce qui est le cas depuis 2019;

– la Commission Européenne a imposé une gestion stricte sur le temps de pêche. Elle ne peut se surimposer avec la gestion par quota puisque la France l’a également adoptée sans chercher à argumenter de son inutilité dès lors que la France avait adopté une gestion par quota. Il n’est pas besoin d’être bien malin pour comprendre que si il y a quota (donc limitation du poids capturé) que le quota soit fait en 1 mois ou en 3 mois, le résultat est le même sur la mortalité par pêche. 

Il restera à régler pour l’avenir social et économique de la filière civelière française, le problème du marché trop restreint et peu concurrentiel de la civelle en Europe afin de ne pas brader une ressource naturelle dans un cadre « Pêcher moins et valoriser mieux ». C’est à l’administration française de se saisir de cette question ainsi que l’AFPMAR ne cesse de le lui demander. 

Enfin, il est grand temps qu’un prix plancher soit adopté pour la civelle de repeuplement. Un organisme comme France-Agrimer doit être en mesure de mettre en place une telle plateforme d’offre et de vérifier la traçabilité de la civelle dès lors qu’elle quitte le secteur pêche pour entrer dans le circuit de l’élevage. Ceci n’est absolument pas assuré actuellement, mais cela n’a pas l’air d’inquiéter ni notre administration de tutelle, ni la DGENV ni la DGMARE.