Ne pas confondre gestion d’une ressource avec discussion de marchands de tapis !

Le Jeudi 4 septembre avait lieu dans les locaux du CNPMEM à Paris, la réunion du CSE (Comité Social et Economique) en charge d’évaluer l’avis fourni par le CS (Comité Scientifique) sur la quantité de civelles à pêcher pour la saison prochaine. Celui-ci préconisait à partir d’une analyse dont les bases sont plus que discutables (voir actualité précédente) un Quota global (consommation et repeuplement inclus) de 26,1 tonnes sans prise en compte de la diminution du nombre de pêcheurs, ni des jours de pêche, ni des contraintes du marché qui pèsent lourdement sur la définition du niveau du quota. 

Alors qu’il était dit de manière explicite dans cet avis que: « A contrario, dès que la réduction effective (du nombre de pêcheurs) est supérieure à 56 %, elle suffit seule à atteindre l’objectif de gestion, rendant inutile une gestion par quotas« . Or cette réduction depuis 2015 est supérieure à 53% et atteint quasiment les 60%, d’après ce même rapport ! .

Tout ceci à partir d’une estimation qui fait semblant de prendre en compte les observations des pêcheurs, mais qui ne remet nullement en cause la fiabilité d’une courbe de l’indice de recrutement qui ne prend plus en compte les données de la pêcherie civelière française depuis quasiment 2008 !

Une expertise en mode canular qui ne fait même pas réagir l'administration de tutelle.

Forte de cette « expertise », l’administration de tutelle  a donc proposé 26 tonnes sans se préoccuper de la pertinence de cet avis et surtout sans prendre en compte les répercussions sociales et économiques qu’une telle décision impliquerait. 

Devant le tollé qu’une telle proposition a déclenché au sein des représentants professionnels présents, l’administration a proposé 40 tonnes assorti d’un plan de casse à négocier avec Bruxelles. Bref, une promesse sans lendemain et dans tous les cas inacceptable compte-tenu de la faiblesse d’un quota qui ne peut conduire qu’à la fin de la filière pêche de la civelle en France et donc en Europe. 

Il  est aussi inacceptable que les administrations européennes et nationales ne se posent pas la question de la pertinence de telles expertises qui reposent sur des observations parcellaires et ne prenant nullement en compte les observations quantitatives récoltées précisément au sein de cette pêcherie. C’est tout à fait contraire à la déontologie en la matière d’autant qu’un tel avis a des conséquences sur le devenir de nombreuses familles et sur le maintien d’une activité patrimoniale et indispensable à de nombreux territoires ruraux et maritimes. 

Deux solutions possibles à différer dans le temps

  1. A court terme pour la saison 2025-2026, 65 tonnes pour que le sous-quota de consommation qui permet un prix acceptable de la civelle pêchée, ne soit pas trop bas (40% du quota total). Mise en place d’une structure permettant de centraliser les demandes émanant des promoteurs de repeuplement en Europe et de les fournir suivant leur demande. Etablissement d’un prix minimum pour le repeuplement et contrôle effectif de la traçabilité des anguillettes utilisées pour le repeuplement (les anguillettes produites doivent venir de civelles vendues pour le repeuplement et non pour la consommation, ce qui n’est nullement assuré à l’heure actuelle). 
  2. Pour la saison 2026 – 2027, passage au quota de 55 tonnes, mais assorti d’un changement de la clé de répartition consommation/repeuplement conformément au règlement 1100/2007 dès lors que le prix de la civelle de repeuplement est très inférieur à celui de la civelle de consommation, ce qui est le cas depuis de nombreuses années et d‘un sous-quota d’export hors UE non interdit par le classement à l’Annexe II de la CITES dès lors qu’un plan de gestion est agréé par l’UE et que le commerce international ne porte pas préjudice au devenir de l’espèce, ce qui est le cas puisque les civelles seront prises sur le quota de consommation. 

Nous ne cessons de le répéter, il en va de la crédibilité de l’Europe et de notre administration de tutelle. Nous ne pouvons continuer à subir des avis non étayés qui mettent en péril non seulement l’avenir de cette flottille de petite pêche artisanale, mais aussi celui de nombreuses familles qui subissent non seulement la dégradation des milieux aquatiques dont l’intégrité écologique a été pillée par de nombreux usages et le bon vouloir d’une administration qui annuellement brandit une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes.