La commission européenne dans une note de la Direction Générale de l’Environnement (Ref. Ares(2024)7730153 du 30 octobre 2024 adressée aux pays non européens situés dans la zone de colonisation naturelle de l’anguille européenne incite au classement de l’anguille européenne à l’Annexe I de la CITES, c’est à dire un classement interdisant l’exploitation de l’espèce y compris pour le repeuplement.
Ceci est fait en catimini sans prendre en compte l’avis antérieur du Parlement Européen exprimé dans le rapport Van-Ruyssen de Novembre 2023 et après avoir reçu encore une fois de plus un non-avis du CIEM répondant à la question de la Commission: « quel est le volume de captures que l’on peut prélever pour cadrer avec une exploitation durable de l’espèce?« . Question à laquelle cette structure d’expertise avait déjà dit depuis 2021 qu’il n’avait pas de réponse.
En effet, le groupe de travail sur l’anguille du CIEM qui ne juge que de l’effet de la pêche suite aux termes de références fixés par la Commission dans sa lettre de commande n’a pas les éléments pour fixer le volume de captures dans un cadre d’exploitation durable. Selon l’approche de précaution préconisée par le CIEM, l’avis automatique qui en découle est « de ne pas pêcher du tout! ».
Pourtant, les élus du Parlement Européen avaient été clairs dans le rapport Van-Ruyssen de novembre 2023 : la pêche a atteint ses objectifs de minimisation de son empreinte écologique, mais pas les autres usages. Dans ces conditions, il fallait évaluer les plans de gestion anguille des états membres de manière à avoir une vision globale comme demandée dans le règlement UE 1100/2007.
Au lieu de cela la Commission Européenne continue de poser des questions dont elle connait la réponse de manière à cautionner son positionnement qui est l’éradication de la petite pêche professionnelle maritime et continentale.
Ainsi, en s’arrogeant le droit sans discussion, sur un sujet vital pour de nombreuses entreprises, de parler au nom de tous les pays européens dans les négociations avec la CITES, la Commission sacrifie délibérément la petite pêche continentale, estuarienne et maritime en France, mais aussi toute la filière anguille en Europe.
En demandant le classement de l’anguille européenne en Annexe 1 de la CITES, c’est l’arrêt de la pêche qui est demandé et par voie de conséquence la disparition de la filière d’élevage anguille en Europe.
Tout cela pour rien ! Car l’arrêt de la pêche n’est aucunement la solution à la restauration de l’espèce dont 80% des habitats continentaux ont disparu ou sont inaccessibles. Ce n’est pas l’arrêt de la pêche qui arrêtera les pertes conséquentes qui sont dues à la production hydro-électrique, à l’absence de continuité écologique sur de nombreux bassins versants, à l’amélioration de la qualité de nos cours d’eau dont la situation ne fait que se dégrader comme l’indique le dernier rapport de l’Agence Européenne de l’Environnement. Tout ceci est inscrit dans les rapports d’évaluation des PGAs ou dans les rapports nationaux soumis au groupe de travail anguille du CIEM.
Non, la Direction Générale de l’Environnement ne doit pas masquer la faillite de sa politique environnementale en Europe qui a conduit à la non atteinte des objectifs des directives cadre eau (DCE), Stratégie du Milieu Marin (DCSMM) et Habitats, en livrant en pâture aux ONGs la petite pêche, activité patrimoniale de nombre de régions en Europe.
Nous demandons fermement que les décisions du rapport Van-Ruyssen soient suivies d’effet:
1 – Arrêt de l’acharnement contre la pêche et renforcement des contraintes contre les autres usages suivant le principe pollueur – payeur;
2 – Modification de la demande de la commission en ayant comme termes de référence l’évaluation des plans de gestion et non la quantité de captures acceptables. Il est à noter que seule la France se conforme à cette demande pour le secteur pêche en interrogeant un groupe d’experts dont certains appartiennent au groupe de travail du CIEM anguille interrogé par la Commission. La demande est de quantifier, conformément au règlement 1100/2007 la diminution de la mortalité par pêche (basée sur la diminution de l’effort effectif). Les résultats sont parlant: le taux d’exploitation de la civelle sur la dernière saison est à un niveau de 48% de la période de référence (2003 – 2008) si l’on prend comme hypothèse que toute la civelle destinée au repeuplement ne survit pas et que la diminution de 58% du nombre de pêcheurs n’a pas de conséquences sur le niveau de la mortalité par pêche. Cette valeur est donc très conservative et indique sans nul doute que l’objectif de réduction du taux d’exploitation est atteint et en-dessous des 40% du niveau de référence (cible de gestion) .
3 – Autorisation d’exporter une partie du quota de consommation vers le marché asiatique avec comme objectif : « Pêcher moins et valoriser mieux », mais tout en préservant les intérêts de la filière d’élevage et du repeuplement en Europe.
Enfin, il est temps que l’administration européenne arrête de commanditer des expertises pour conforter ses propres positions. Ce n’est plus de la démocratie, c’est de la technocratie et la construction européenne n’a pas besoin de cela !