Dans son dernier rapport, le Comité Scientifique en charge de l’élaboration des quotas de civelle persiste et signe dans une approche qui n’intègre que très peu et très mal les observations récoltées par la pêcherie ces dix dernières années.
Cela aboutit à des conclusions qui sont à charge de la profession dans un contexte qui est l’acharnement de la Commission Européenne à vouloir éradiquer aveuglément toute pêche sur cette espèce sans remédier aux causes profondes de la diminution de l’espèce depuis la fin du siècle dernier. Ces causes nous les connaissons: continuité écologique perturbée, artificialisation et perte des habitats potentiels, dégradation de la qualité de l’eau mise encore plus en exergue ces dernières années par le changement climatique. Mais il est vrai qu’il est plus facile de cacher la poussière sous le tapis en s’acharnant sur une profession qui subit socialement et économiquement la dégradation des milieux aquatiques qu’elle dénonce depuis plusieurs années.
Une expertise qui utilise une courbe de tendance construite sur des données non représentatives et biaisées.
Le tableau II.1 du rapport du Comité scientifique « Estimations des possibilités de captures totales d’anguilles de moins de 12 cm pour la saison 2025 – 2026 » nous donne la courbe de base utilisée pour l’estimation des captures autorisées qui respectent les directives du règlement 1100/2007.

L’AFPMAR a déjà critiqué l’utilisation de cette série d’indices qui n’utilise pas les meilleures données existantes et ce pour 2 raisons principales:
- Elle n’utilise plus pour sa construction les données des pêcheries françaises depuis 2008 ! Or la pêcherie française est la pêcherie de civelles la plus importante : 100% du repeuplement et 90% de la consommation en Europe;
- Cette série est construite sur des données hétéroclites dont la validité reste à mesurer et qui mélange des séries de données (sans pondération) de la Méditerranée et de la façade atlantique qui n’ont pas la même représentativité pour illustrer les fluctuations de tendance du recrutement en civelles.
La conséquence directe est une courbe peu réactive et « pessimiste » des fluctuations d’abondance du recrutement en civelles sur la façade atlantique, zone qui doit capter en premier l’amélioration du recrutement espérée suite aux fortes contraintes exercées sur la pêche professionnelle et amateur de l’anguille à l’échelle de l’Europe.
Un modèle qui n'est pas cohérent avec les données de terrain.
Les observations de terrain remontant des pêcheurs professionnels affiliés ou non à l’AFPMAR indiquent sans ambigüité que les densités de civelles sont bien plus importantes que celles observées durant la période 2000 à 2010. Elle sont, d’après l’historique des carnets de pêche, au niveau des années 90s ainsi que le montre la figure ci-dessous.

Certes un effort a été fait par le Comité Scientifique pour incorporer des observations de terrain, mais ces informations de type qualitatif sont relatives aux impressions des professionnels sur l’abondance de l’année passée et donc se recalent sur la tendance du CIEM qui est biaisée comme nous l’avons dit précédemment. La figure ci-dessous extraite du rapport du Comité scientifique donne une idée des avis professionnels sur la saison 2024 – 2025.

Sans ambiguïté, les pêcheurs professionnels ont qualifié la saison dernière comme équivalente ou supérieure à l’année précédente. La conclusion du Comité scientifique plus que prudente est donc de donner un indice entre 3,9 et 9,9 qui on le voit bien au Tableau II.1 n’a rien à voir avec les niveaux que l’on avait dans les années 90s (une valeur sur deux supérieure à 21 avec un intervalle compris entre 14,5 et 37,6). Les observations de terrain n’ont rien à voir avec les valeurs prises en compte par le Comité scientifique !
Une conclusion qui plombe encore l'avenir de la pêche professionnelle
Le Comité scientifique met le niveau du TAC conseillé très bas: entre 26 à 45 tonnes. Il considère que les civelles destinées au repeuplement ne survivront pas ou ne participeront pas à la reproduction, ce qui est contraire aux derniers travaux scientifiques effectués et surtout part de l’hypothèse que la diminution du nombre de pêcheurs et du nombre de jours de pêche alloués n’ont pas d’impact réel sur le niveau d’exploitation (avec des engins de pêche dont l’efficacité n’a pas changé). Ces dires, nullement étayés, sont à charge de la pêcherie et incitent l’administration nationale à mettre le TAC à un niveau qui condamne économiquement les pêcheries estuariennes et continentales déjà bien affectées par les décisions de la Commission Européenne dont l’objectif, suite aux pressions des ONGs, est d’éradiquer la pêche civelière française au nom d’un Principe de Précaution mal utilisé.
L'AFPMAR a fait des propositions concrètes: Pêcher moins et valoriser mieux
L’AFPMAR a déjà proposé un dossier qui s’appuie sur la réglementation existante et que la Commission ne veut pas entendre puisque son seul but est d’éradiquer la pêche civelière. Ce dossier s’appuie sur le règlement 1100/2007 (modification de la clé de répartition) et sur l’annexe II de la CITES (pas d’interdiction formelle d’exporter hors UE des civelles sur le quota de consommation). Nous redonnons le lien pour consulter ce dossier:
https://anguilleresponsable.com/index.php/2024/10/04/moins-pecher-et-mieux-valoriser/
A nos élus de s’en emparer et de mettre ce dossier sur la table car il en va de la crédibilité de l’Europe déjà bien affectée ces derniers temps par l’amoncellement de contraintes non étayées et non justifiées aux citoyens européens qui les subissent.
Essayons sur ce dossier de prendre les mesures justifiées qui s’imposent pour le bien de l’anguille, mais aussi de ceux qui en vivent.