Préambule
L’objectif de l’AFPMAR est de défendre la filière de la pêche française de l’anguille dans son ensemble, pêcheurs et mareyeurs réunis. Notre éthique et notre morale nous imposent de dire les faits en toute objectivité. Les acteurs de la filière doivent savoir ce qui se passe réellement sur le marché de la civelle de repeuplement en Europe.
Baisse des prix constatée
La saison de pêche 2024-2025 se caractérise par des remontées de civelles abondantes et avec des conditions climatiques favorables les pêcheurs atteignent vite leurs quotas.
Le prix de la civelle de consommation est tiré par le marché espagnol. Nous étions à 500€ départ pêcheurs avant et durant les fêtes de fin d’année, nous sommes désormais passés à 400€.
Le marché du repeuplement est encore moins rémunérateur que d’habitude, les premiers prix sont bas, voire très bas. Historiquement c’est la première fois que nous démarrons la saison à 170€ le kilogramme et maintenant nous sommes rendus à 150€. Ce n’est pas acceptable. Rappelons que le repeuplement représente 60% de notre quota global.
Les raisons de cette baisse : Une situation de monopole sur le marché de la civelle en Europe qui a pour but de réguler et contrôler la pêche française.
Sur les 39 tonnes de quota de repeuplement alloué à la pêche française, le marché européen ne peut absorber au mieux que 26 tonnes (13 tonnes resteront dans l’eau).
Le marché du repeuplement est donc soumis à une lutte commerciale accrue entre les 3 mareyeurs français qui se concurrencent pour avoir le plus de contrats de repeuplement possibles pour « leurs » pêcheurs qui leur ont vendu la civelle de consommation.
Mais cette concurrence dépasse le cadre légal, éthique et moral. En effet, une situation de monopole s’est mise en place par une exigence non justifiée aux pêcheurs et aux mareyeurs de l’obtention d’un label SEG[1] (Sustainable Eel Group), nullement reconnu par l’UE et qui aboutit uniquement à favoriser un seul groupe économique pour l’obtention de gros contrats de repeuplement financés pourtant par de l’argent public.
[1] Le SEG est actuellement financé à hauteur de 90% par DUPAN (association pour mettre en valeur la filière hollandaise de l’anguille) et IFEA (association ayant le même but que DUPAN mais pour la filière allemande) à travers la structure ESF (Eel Stewardship Fund). Malgré plusieurs demandes, le secteur de la pêche français n’est nullement représenté dans le SEG.
Cette situation de monopole se renforce cette année de la manière suivante :
- La filière d’élevage, dominée par un groupe économique, s’impose sur les gros contrats de repeuplement, le label SEG étant demandé, gommant ainsi toute concurrence. Les prix pratiqués sont habituels, voir élevés. Les marges sont importantes permettant au groupe économique dominant de prendre l’ascendant sur ses concurrents. C’est le cas dans le Schleswig-Holstein (Allemagne), le Nordrhein-Westfalen (Allemagne), la Basse-Saxe (Allemagne) ou pour l’approvisionnement du repeuplement aux Pays-Bas porté par Dupan (le plus gros financeur du SEG). Ainsi plusieurs marchés de repeuplements imposent désormais le label SEG et ce, en dépit des règles européennes sur l’utilisation d’argent public. Ce procédé laisse le champ libre au seul mareyeur appartenant à ce groupe dominant qui a le label SEG et une couverture financière assez importante pour approvisionner l’ensemble de ces marchés.
- En plus du SEG, des mécanismes spécifiques sont également mis en place pour que les marchés de repeuplement soient attribués à ce même acteur. Pour exemple, le (ou les) candidat(s) à l’appel d’offres sur le repeuplement du Brandenbourg (1 350 000€), projet porté par le président de l’IFEA (financeur du SEG), impose que le candidat soit à la fois producteur d’anguille et mareyeur de civelles, on se demande bien pourquoi ! Un seul candidat en Europe remplit ces exigences absolument non justifiées !
- Sur les marchés où le label SEG n’est pas indispensable, les appels d’offres sont remportés en proposant des prix défiants toute concurrence, sans marge ou presque pour le mareyeur qui ne peut répondre à ces contraintes. En effet, les profits, dégagés avec les gros marchés sur lesquels une entreprise unique peut répondre, permettent de financer ce type de dumping pour faire crouler financièrement ces concurrents. En 2023, cette entreprise s’est payée le luxe d’offrir plusieurs centaines de kg de civelles tout en dégageant un profit déclaré de 850 000€ (source internet). En répondant aux appels d’offres où la diversité des acheteurs reste encore possible avec des prix très bas, ce groupe neutralise la concurrence, toujours dans l’objectif d’asseoir son monopole.
Ainsi nous nous retrouvons avec des prix à la baisse lors de l’achat aux pêcheurs français afin que les mareyeurs puissent proposer des prix suffisamment attractifs aux acheteurs européens de la civelle de repeuplement pour conserver des parts de marché pour l’ensemble des pêcheurs. Ce n’est pas tenable pour le secteur de la pêche.
Conséquence : les pêcheurs trinquent, pendant que la filière d’élevage pour la consommation et le repeuplement se porte très bien.
Comme modèle économique, cela ressemble plus au pillage du secteur de la pêche qu’un partage équitable entre tous les acteurs de la filière anguille en Europe. Si on laisse faire, c’est la mort programmée des petits pêcheurs artisans, et tout ça pour qu’un seul acteur de la filière d’élevage contrôle le marché. Il ne faudrait pas oublier que le secteur de la pêche civelière française tient l’avenir du secteur de l’élevage dans sa main : sans nous pas de civelles et donc pas d’anguilliculture !
Rejoignez l’AFPMAR : l’union fait la force, vendons notre production au juste prix.
Certains vous disent de ne pas adhérer. C’est bien la preuve qu’il faut le faire.
Votre adhésion est nécessaire pour mieux préserver l’avenir de cette pêcherie. Elle peut se faire de manière anonyme pour ceux qui le demandent compte-tenu des pressions exercées par le groupe dominant de la filière d’élevage sur le secteur de la pêche : en bref on ne vous prend pas votre civelle de repeuplement si vous adhérez à l’AFPMAR, même si vous êtes dans une pêcherie certifiée SEG. Faites cesser ce chantage !
Le Standard AFPMAR : un cahier des charges concret et robuste valorisant la pêcherie.
Traçabilité indiscutable : suivi journalier des autorités françaises à travers les déclarations obligatoires de vente des pêcheurs d’une part et d’achat des mareyeurs d’autre part. Vérification également avant export par les services vétérinaires (document TRACES), doublé de contrôles inopinés des Douanes.
Garantie de qualité et pêche responsable : respect de la ressource grâce à des méthodes de pêche artisanales et respectueuses. Exploitation sous observation constante des services de l’état sur l’eau et dans les ports.
Gestion et veille environnementale : les pêcheurs sont les sentinelles de ces milieux estuariens. Qui d’autre a la capacité d’évaluer l’abondance ou le déclin de nos espèces emblématiques ?
Relevons la tête. Agissons ensemble tant qu’il en est encore temps.
Face à la situation critique des marchés de repeuplement, nous allons demander aux services de l’Etat (Ministère et DGAMPA) d’intervenir immédiatement au moins pour faire respecter la légalité des appels d’offres et organiser au mieux ce marché d’une manière équitable entre tous les acteurs.
L’outil essentiel du règlement UE1100/2007 pour la sauvegarde de l’espèce reste le repeuplement. Des civelles en surabondance prélevées sur nos côtes, sont relâchées dans l’ensemble de l’Europe, action indispensable pour minimiser l’impact de l’insuffisance de la continuité écologique et à la restauration de ce poisson migrateur. Le pêcheur participe activement au rétablissement de la santé de l’espèce en lien avec ARA France et les structures officielles de la pêche professionnelle maritime et fluviale.
Mais le système de commercialisation, sous appel d’offres faussé, compromet directement la restauration de l’espèce. Sous l’influence d’un groupe industriel cherchant à se forger un contrôle total sur le marché de la civelle en Europe, le cours du marché de la civelle destinée au repeuplement s’effondre. La petite pêcherie artisanale étouffe, cette activité ne permettant plus de dégager un revenu décent.
La France, fournisseur unique de civelles de repeuplement, brade cette précieuse ressource. L’état doit intervenir sans plus attendre pour que cette pêcherie perdure en imposant un prix minimum.
Nous avons l’opportunité de reprendre la barre du bateau pour faire cap vers un avenir serein.