Une fausse bonne idée: l’inscription de l’ensemble des anguilles à l’Annexe II de la CITES.

En novembre 2025, aura lieu en Ouzbékistan, la 20ème Conférence des Parties de la CITES. Parmi, les propositions étudiées, la proposition 35 met en avant l’intérêt d’inscrire l’ensemble des espèces d’anguilles à l’Annexe II de la CITES. Seule, pour le moment, l’anguille européenne est inscrite à cette annexe qui implique des contraintes fortes sur le commerce international de l’espèce et notamment la nécessité de prouver l’effet non préjudiciable du transport international sur son devenir pour avoir le droit d’exporter cette espèce hors de son aire de répartition. 

Le SEG (Sustainable Eel Group) soutiendra cette proposition pour le bien des populations d’anguilles tout en favorisant l’existence des pêcheurs, éleveurs, mareyeurs et grossistes de la filière anguille en Europe. 

L'AFPMAR ne partage pas la position du SEG

Comme nous l’avons dit dans une précédentes actualité (L’inscription de l’anguille européenne à la CITES : un avantage ou un poids mort pour la pêche française ? – Anguille Responsable ) l’inscription de l’anguille européenne à l’Annexe II de la CITES a été plus un boulet pour le secteur de la pêche civelière en France plutôt qu’un avantage et ceci pour deux raisons:

  1. Le commerce illégal sur cette espèce n’a pas été freiné ainsi que le constate la CITES : en 2018 et 2019, des tests sur les produits à base d’anguille dans les supermarchés de Hong-Kong montrent que 45% de ces produits sont à base d’anguille européenne. A contrario, l’anguille américaine (Anguilla rostrata) est moins fréquemment répertoriée (35%) et l’anguille japonaise encore moins (10%). Rappelons que ces deux dernières espèces ne sont pas inscrites à l’Annexe II. 
  2. Du fait de cette inscription , le commerce de l’anguille européenne (et notamment de son alevin) a été restreint à l’Europe avec un marché peu dynamique et sous le contrôle du secteur de l’élevage. La conséquence est un prix de marché, notamment pour le repeuplement qui dépasse à peine, en moyenne, par rapport aux quantités allouées, les 100 euros le kg. De manière certes indirecte, cette inscription qui n’a pas résolu, ni même atténué le trafic illégal, ne permet plus au secteur de la pêche civelière en France de tirer une juste rémunération de son activité avec une mise en péril de la filière française (pêche et mareyage) vu les contraintes exercées par l’Europe et les demandes incessantes de diminution des quotas sans raison logique et sous la pression aveugle des ONGs.

Une prise de position dangereuse pour le secteur de la pêche en Europe

Il serait naïf de croire que la Commission Européenne ait abandonné son idée de classement de l’anguille européenne à l’Annexe I de la CITES pour éradiquer toute pêche sur cette espèce. Rappelons que sans pêche pas de filière d’élevage

Classer les autres espèces d’anguilles à l’Annexe II de la CITES et notamment l’anguille américaine et l’anguille japonaise, c’est de facto donner du grain à moudre à ceux qui veulent pousser l’anguille européenne en Annexe I (elle est déjà en Annexe II). 

L’AFPMAR regrette que le SEG n’ait pas jugé bon de se concerter avec le secteur de la pêche en Europe (et notamment avec celui de la France, principal producteur de civelles) pour mesurer réellement les retombées néfastes d’une telle prise de position.  

Pas de retombées positives à attendre, n'en déplaise au SEG

Le SEG affirme que « les considérations relatives au développement international sont au cœur de la proposition 35: dans les régions où la petite pêche artisanale et l’aquaculture font partie intégrante des économies locales, le respect des règles sera récompensé par des prix plus élevés, une traçabilité et un accès préférentiel au marché, ce qui apportera des avantages économiques tout en préservant les ressources naturelles ». La réalité du terrain est toute autre. La pêche française qui a défini dès le départ de la mise en place du plan de gestion français, un guide de bonnes pratiques en lien avec le WWF France et qui est à la base du standard de l’AFPMAR ne reçoit pas le juste prix pour la qualité des civelles débarquées . Cela est vrai pour la consommation (marché encore un peu concurrentiel) et encore plus pour le repeuplement avec un marché complètement dominé et cadenassé par le secteur de l’élevage en Europe sans qu’il soit vraiment possible d’apprécier la traçabilité des civelles utilisées à diverses fins dès qu’elles quittent le territoire français. 

Alors NON, l’inscription de l’anguille européenne à l’annexe II de la CITES n’a pas été un plus pour le secteur de la pêche française, pire cela a été un frein économique fort au maintien de cette activité qui a de plus en plus de mal à subsister.